Ma soeur Irène était ma préférée . Je dis "était" parce qu'elle n'est plus . Je l'ai
trouvée morte dans son galetas de Dona Marta à la veille du Carnaval de 1970 ,
un Mercredi des Cendres . Overdose a dit le docteur ; le 45 tours du Star Spangled
Banner de Jimi Hendrix tournait sur le pick up , pour personne . En 1929 , Irène
avait huit ans , moi dix , et elle était la reine de la samba . Cicada de Deus était notre
quartier , c'est là que nous habitions . Papa tenait un bar en planches et tôle ondulée ,
avec maman . J'ai les larmes aux yeux quand je pense à ces dimanches où ils organi-
saient des rodas . Irène avait un déhanché sauvage ; elle avait le kiff et ça épatait les
voyous des morros quand cette gamine replète déboulait sur la piste . A quinze ans ,
elle s'est tirée avec un mameluco . Elle est partie vivre à Dona Marta , sur les hauteurs
et c'est là qu'elle s'est mise à la cocaïne . D'abord en freebase ou en parachute , après
en speed-ball avec l'héroïne . Ça m'a fichu un coup quand je l'ai vue chasser le dragon ,
à respirer des vapeurs sur un petit réchaud . Une vraie débandade .
J'aurai bientôt 80 ans . Je suis riche . Les cariocas me respectent . J'ai un appartement
rua Garcia d'Avila , la rue chic d'Ipanema . Il faut dire que ma salle de musculation me
rapporte pas mal d'argent .
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